Le mauvais temps est de sortie, les gamers aussi. [ft. Annabelle T.]

Décidément, c'était un jour maudit. Natsuo poussa un soupir résigné, trempé sous la devanture de son game center préféré. Il n'avait vraiment pas de chance, aujourd’hui, et cela avait probablement été inscrit dans le cycle des étoiles. En mettant les événements de la journée bout à bout, c'était tout simplement indéniable. Ou alors le Dieu des fils de putains, dans sa bonté suprême, avait décidé de le sacrer Prince Suprême de la Malchance Innée.

Humpf. C'est sûrement ça,constata-t-il avec une certaine fierté, avant de s'apercevoir que ses lacets traînaient dans une flaque d'eau.

Il jura tout haut, avant d'écarter d'un air agacé la mèche qui dégoulinait sur son œil droit. Ç'avait vraiment été une mauvaise idée que de sortir du lit ce matin. Il aurait sans doute tout aussi bien fait de rester couché, étant donné qu'il n'avait pas cours ; toutefois, ces derniers temps, son côté capricieux avait refait surface, encouragé par son entrée dans l'Elite, et l'appel des jeux avait été plus fort que tout. Et puis, comme il avait de l'argent, il ne voulait plus rien se refuser.
Eh bien! En attendant, il était bien puni. Trempé de la tête au pieds, il avait de l'humidité jusque dans les chaussettes et il commençait à avoir froid ; sans compter que n'ayant pas de parapluie, et l'averse frappant de plus belle, il était bon pour attendre encore un moment avant de pouvoir aller au convinience store du coin. Le comble étant sans doute sa présence à moins d'un mètre de son lieu de prédilection sans qu'il puisse y entrer, d'autant plus qu'il risquait d'être aperçu par un étudiant dans le coin.

C'était une catastrophe.

Natsuo éternua avant de ronchonner, puis fouilla dans sa poche dans l'espoir de pouvoir rallumer son portable qui s'était mystérieusement éteint en cours de route. Il n'avait sans doute plus de batterie. Il était donc exclu qu'il appelle un taxi, d'autant plus que la cabine la plus proche semblait occupée par un couple en pleine séance d'affection. Les rues commerçantes les plus proches était un peu trop loin pour qu'il ait véritablement la foi et l'envie d'y courir. Evidemment, maintenant qu'il était trempé, c'était bien inutile de vétiller sur ce genre de détails, mais le pauvre geek fragile qu'il était n'avait nullement l'intention de se déplacer pour le moment.

Et pour couronner le tout, une énorme voiture de luxe macula son jean au moment même où il songeait à s'éloigner de la flaque la plus proche.

-Merci, il ne fallait pas se donner tant de peine!

En plus, il venait de s'apercevoir qu'il avait laissée sa PSP dans son sac de cours, sur son lit, dans sa chambre.
Sa journée était décidément fichue.

Réveillée à l’aube par un appel téléphonique de sa mère, la jeune fille avait les nerfs à vif, elle aussi. Sa génitrice souhaitait prendre le petit déjeuner avec elle, afin de discuter. Qu’est-ce qui lui prenait tout à coup, de vouloir la voir ainsi ? Ca ne présageait vraiment rien de bon. A chaque fois qu’elle souhaitait voir sa fille, c’était pour lui présenter soit quelqu’un d’important, devant lequel elle devrait faire bonne figure, soit pour lui faire la morale pour tout ce qu’elle faisait. Il fallait dire que la pauvre madame Tillman n’avait pas vraiment eu une chance énorme en mettant au monde Annabelle. Si jusqu’à ses 15 ans, elle s’était montré flexible, et avait obéit aux doigts et à l’œil de ses parents, lorsqu’elle s’était rebellée, s’était devenu un véritable enfer pour eux. Surtout que l’image de sa mère était réellement importante, étant donné qu’elle était sénatrice en Amérique. Ce qui expliquait aussi pourquoi elle l’a voyait très peu. La distance, et son emploi rendaient leur rencontre de moins en moins fréquente et dès que la rousse causait des troubles d’ordre public, la presse s’en donnait à cœur joie. Tout était bon pour faire couler de l’encre, après tout.

Lorsqu’elle arriva au restaurant chic, dans le cœur de Tokyo, elle fut accueillie par sa mère qui ouvrit ses bras. L’adolescente haussa un sourcil, depuis quand sa mère se montrait affective envers elle ? Elle avait fumé ou quoi ? Un nouveau mauvais pressentiment s’installa, si elle en faisait trop, c’est qu’elle avait vraiment quelque chose d’important à lui demander, où à lui dire.

*Putain, on se fait chier* pensa t-elle pendant que sa génitrice lui racontait tout les détails de sa campagne électorale.

-Maman, je suis pas venu parler politique, si tu pouvais en venir directement aux faits, parce que sincèrement, je doute que tu te sois déplacé d’aussi loin juste pour ça. Et je m’en fou franchement.
-Annabelle, jeune demoiselle ! Surveille ton language ! Enfin, je vais t’exaucer, j’ai une grande nouvelle à t’annoncer.
-Ah ? Qu’est-ce, mère ?lança t-elle moqueusement

Elle voulait un langage soutenu, elle l’aurait.

- Tu vas être grande sœur, ma chérie.

Annabelle la fixa un moment, haussant les sourcils. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Combien d’années sa mère l’avait tané en disant que les riches ne pouvaient se permettre de n’avoir qu’un seul enfant ? Que c’était la tradition, et que c’était mieux ainsi. Avait-elle donc honte à ce point d’elle pour vouloir la remplacer ? La considérait elle donc comme un tel échec pour vouloir d’un autre enfant? L’adolescente grimaça, et se leva d’un bond.

-Ouais, félicitations, ce mioche sera peut être plus réussi que moi ! Au revoir, ou adieu plutôt.
-Enfin, ce n’est pas ça…Annabelle ! Reviens ! Annabelle!

Trop tard, elle s’était déjà éloignée en courant. Elle ne tenait pas vraiment à sa mère, elle ne s’était jamais entendu avec elle, par contre, elle adorait son père. Elle se sentait trahie. Même pour elle, s’était difficile de penser à ça. Et elle était un peu blesser. La rousse grimpa dans sa limousine, demandant au chauffeur de rouler, dans direction précise. Elle posa ses prunelles sur les rues qui défilaient par sa fenêtre, lorsque son regard se posa sur un visage familier, qui venait d’être inondé par la faute de la voiture.

« Takashi-san, arrêtez vous s’il vous plait ! »

Le chauffeur s’exécuta, et la jeune fille baissa sa fenêtre, souriant de plus belle, elle regarda ce pauvre Natsuo, ce cher numéro V dans leur élite adoré. Elle l’avait toujours trouvé très mignon, à son gout, disons.

« Je suis désolée Murakami-kun, puis-je te proposer de te ramener et d’être au chaud pour me faire pardonner? »

[pas top non plus gomen >ç<]

-Je suis désolée Murakami-kun, puis-je te proposer de te ramener et d’être au chaud pour me faire pardonner?

Le Murakami-kun en question eut un instant d'éblouissement. Hébété, il regarda autour de lui comme pour vérifier que c'était bien à lui qu'on s'adressait ; et, sur le moment, il fut incapable de reconnaître la jeune femme qui venait de dévoiler son visage en abaissant une vitre teintée. Il écarta une mèche humide qui lui obstruait la vue, se désolant intérieurement sur sa déplorable présentation, avant de sourire aimablement. Bien sûr, Annabelle Tillman, éminente membre de leur groupuscule privé.

Une élite.

-Jolie voiture, miss Tillman.

Est-ce que ça sonnait juste? Bon dieu, est-ce que ça sonnait juste?
Natsuo réprima un frisson et émit un léger rire nerveux. La moindre conversation avec un membre de l'Elite lui tirait des sueurs froides. Il était aisé de se laisser entraîner dans leur complaisance, mais le moindre faux pas l'entraînerait irrémédiablement dans une chute mortelle. Pour le pauvre type insignifiant qu'il avait été jusque-là, c'était un véritable volte-face. Et il avait horreur de ça.

Et puis, dans le fond...

-J'aimerais beaucoup accepter ta proposition, mais j'ai peur d'abîmer tes sièges, alors...

Il se pencha légèrement. Il devait vraiment avoir l'air fin avec ses cheveux trempés, sa chemise humide et son jean trempé ; il tenta néanmoins un sourire gêné. Il avait un peu honte de la gêner, Annabelle, elle était sûrement déjà assez occupée comme ça pour en plus s'octroyer la tâche de ramener un pauvre gars comme lui. D'un autre côté, entre membre de l'Elite, on se devait probablement ce genre de services, et puis... est-ce qu'il n'était pas censé être capricieux, ou quelque chose comme ça?

J'en sais rien, moi. J'en sais foutrement rien.

En pesant bien le pour et le contre, il décida de laisser la jeune femme choisir si elle voulait véritablement le laisser monter ou non. Comme ça, il se sentirait moins coupable, probablement.

-J'aimerais m'assurer que tu ne regrettes pas ton geste.

Il se recula avant de fourrer ses mains glacés dans ses poches humides, avant de grimacer. C'était bien sa veine de faire son chevalier crétin. A coup sûr il tomberait malade de la semaine, vu sa constitution fragile. En éternuant, il songea que vraiment, il était con.

-Mais c'est vrai que je commence à avoir froid...

Piteux, il renifla avant de grimacer.

-Quel temps de merde, bordel...